dimanche 13 avril 2014

Les électrons existent-ils ? (2/2) Changements théoriques et réalisme structural

Nous avons vu dans l'article précédent qu'il existait plusieurs formes d'anti-réalisme scientifique, c'est à dire plusieurs façons de douter que les théories scientifiques décrivent correctement la réalité : soit que la réalité n'existe simplement pas au delà de nos représentations, soit qu'on considère que les théories scientifiques sont des instruments de prédiction plutôt que des descriptions de ce qui est inobservable, soit simplement qu'on est sceptique vis-à-vis de la possibilité de réellement connaître la réalité au delà des phénomènes observables.

Nous avons également vu en quoi la sous-détermination des théories par l'expérience constituait un argument anti-réaliste : il se pourrait bien que les explications scientifiques qu'on donne aux phénomènes ne soient qu'une possibilité parmi de nombreuses autres, qui rendent aussi bien compte de ce qui est observable. Enfin nous avons vu que la principale motivation du réalisme était basée sur le succès des théories scientifiques, notamment quand elles permettent de prédire de nouveaux phénomènes insoupçonnés : la meilleure explication à ce succès est que nos théories dévoilent effectivement des aspects importants de la constitution de la nature.

Hopetoun falls
La sous-détermination des théories par l'expérience peut paraître un peu théorique et abstraite. On serait en droit d'attendre que de réels cas de théories rivales, proposant des explications alternatives, se présentent à nous avant de douter que nos théories les mieux acceptées décrivent correctement la réalité. Cependant il existe certaines situations qui posent un problème plus sérieux pour le réaliste, jusqu'à nous faire douter que le fait de faire des prédictions nouvelles soit vraiment un critère pertinent. Ce sont les changements de théories.

lundi 7 avril 2014

Les électrons existent-ils ? (1/2) Réalisme et sous-détermination

Les électrons, les photons, les molécules et les réactions chimiques, les gènes et les protéines, enfin, les objets des sciences en général, existent-ils réellement ?

Myoglobin
Drôle de question n'est-ce pas ?

C'est que nous sommes naturellement portés à être réalistes. Être réaliste, au sens philosophique, c'est croire que nos représentations décrivent correctement la réalité. Et la réalité, c'est ce qui est indépendant de l'esprit ou de nos façons de concevoir les choses : ce qui continue d'exister quand nous cessons d'y penser.

La question du jour est donc celle-ci : nos théories scientifiques décrivent-elles correctement la réalité ? Il s'agit d'une question centrale en philosophie des sciences : la question du réalisme scientifique.

S'il s'agit d'une attitude de sens commun que de croire que les théories scientifiques décrivent la réalité -- il suffit de lire quelques manuels scolaires pour s'en convaincre -- il a pourtant existé dans l'histoire de la philosophie plusieurs doctrines influentes s'opposant à cette idée. Commençons donc par les passer en revue (attention : risque d'overdose de "ismes" !).

mardi 18 mars 2014

Science, pseudo-science et relativisme : la science, ce ne sont que des théories ?

La science, après tout, ce ne sont que des théories... Ce sont donc des croyances, et la science ne se différencie pas fondamentalement des religions ou des mythes.

On entend parfois ce genre d'affirmations qui visent à relativiser l'objectivité du savoir scientifique (par exemple dans la bouche des créationnistes) et on voit alors souvent rejeter ce genre d'affirmations d'un revers de la main : ceux qui les profèrent ne comprennent tout simplement pas ce qu'est la science.

Peut-être qu'il s'agit parfois d'affirmations un peu gratuites et pas vraiment réfléchies. C'est vrai, on peut vite perdre patience en discutant avec certains créationnistes dont les arguments sont faibles et les positions très dogmatiques. Cependant ça ne devrait pas nous empêcher d'examiner la question de manière un peu plus approfondie en prenant ces affirmations au sérieux, en particulier parce que, nous allons le voir, il existe aussi des versions assez sophistiquées de relativisme à propos des sciences qui ne sont pas si facile que ça à rejeter (et qui finalement s'avèrent assez riches d'enseignement).

Alors, le progrès inéluctable de l'entreprise scientifique vers la connaissance est-il un mythe ?

dimanche 23 février 2014

Scientisme et empirisme (suite) : la continuité entre philosophie et science

Optical Microscope Objective Lens
Nous avons abordé dans le dernier billet le projet de l'empirisme logique, qu'on peut qualifier de un projet scientiste. L'idée est que toutes nos affirmations, que ce soient des jugements moraux, esthétiques, ou bien des affirmations métaphysiques, doivent pouvoir se ramener d'une manière ou d'une autre à des affirmations scientifiquement vérifiables, associées à des observations directes -- dans le cas contraire, ce sont des affirmations dénuées de sens. Les seuls affirmations qui échappent à cette réduction sont purement syntaxiques : ce sont les affirmations de la logique et des mathématiques, mais ces affirmation ne parlent pas vraiment du monde, elles ne concernent que la forme de notre langage.

Nous avons vu un premier type de raisons de penser que ce projet ne peut pas aboutir, qui est qu'il ne peut exister de base solide, purement observable, pour réduire l'ensemble du langage. Une distinction stricte entre langage d'observation et langage théorique est douteuse, et l'idée que toute connaissance se ramène à des données sensibles est un mythe.

Mais il existe un deuxième type de difficultés pour les thèses de l'empirisme logique, liées à la vérification. C'est ce que nous allons voir aujourd'hui.

dimanche 9 février 2014

Scientisme et empirisme

La science permettra-t-elle un jour de répondre à toutes nos questions ?

Pas seulement les questions purement matérielles, portant sur tel ou tel phénomène particulier, mais aussi toutes nos questions métaphysiques, morales, esthétiques, tout ce qui relève du domaine de l'humain : l'existence de Dieu, le meilleur système politique possible, la valeur d'une œuvre d'art, le sens de l'existence, etc. Est-ce que toute forme de connaissance pourrait, en principe, être scientifique (c'est à dire systématique, objective et expérimentale) ?

Ou bien plus généralement, est-ce qu'une connaissance n'a de valeur que si elle est scientifique, le reste pouvant être assimilé à de la "poésie", c'est à dire à quelque chose qui peut avoir un intérêt émotionnel pour telle ou telle personne, mais qui n'a aucun intérêt vis-à-vis de la vérité ?

Universum

On qualifie généralement ceux qui répondent par l'affirmative à ces questions de "scientistes", et c'est aujourd'hui un terme plutôt péjoratif. Sous certains aspects, certaines "vedettes" de la blogosphère américaines, et notamment des militants athées comme Richard Dawkins, Sam Harris ou Jerry Coyne, peuvent être qualifiés de scientistes quand ils prétendent par exemple que la science réfute l'existence de Dieu, celle du libre arbitre, ou encore que les questions morales peuvent se réduire à des questions scientifiques.

Mais la plupart des philosophes rejettent le scientisme. Dans cet article, on va essayer de comprendre pourquoi.

mardi 4 février 2014

A quoi sert la philosophie des sciences ?

Avant de véritablement entreprendre un travail de vulgarisation de la philosophie des sciences, peut-être convient-il de situer cette branche de la philosophie. Et également de la justifier : la philosophie des sciences est-elle utile ?

jeudi 30 janvier 2014

De la vulgarisation philosophique ?

Bienvenu sur ce nouveau blog. Il s'agit d'un blog de vulgarisation de la philosophie des sciences.

Oui, un blog de vulgarisation philosophique... N'est-ce pas une drôle d'idée ?

On comprend tous l'intérêt qu'il peut y avoir à vulgariser la science : rendre accessible au grand public des sujets parfois techniques, qui demandent une certaine maîtrise pour être appréhendés, mais dont il est possible de donner une vue d'ensemble qui ne trahisse pas trop l'esprit des initiés.

Mais la philosophie ?