J'ai beaucoup parlé d'épistémologie sur ce blog. Je vous propose aujourd'hui de faire un peu de métaphysique. Interrogeons-nous sur l'espace physique. Qu'est-ce que l'espace, et que nous apprennent les sciences sur sa nature ?
Parmi les intuitions les plus communes que la science moderne semble avoir remis en cause, on peut sans doute compter l'idée qu'il existe un espace absolu.
Nous vivons tous à la surface de ce petit caillou dans l'univers qu'est la terre, et d'ici bas, il semble bien naturel de penser que le haut, c'est le haut, tandis que le bas, c'est le bas, et qu'en fin de compte toute chose a une position et une vitesse bien précise dans l'univers, c'est à dire une position qui n'est pas seulement relative aux autres objets, mais absolue. Aristote pensait ainsi, lui qui envisager qu'il en allait de l'essence des choses pesantes de se diriger vers le bas, c'est à dire vers le centre de l'univers, précisément là où la terre (chose pesante s'il en est) se trouve.
La terre n'est peut-être pas, finalement, le centre de l'univers, cependant cette idée d'un espace absolu comme cadre immuable des phénomènes a été pendant longtemps un des piliers de la science : c'est un des ingrédients essentiels de la mécanique classique, inventée par Newton au 17ème siècle et qui constitua le paradigme dominant en physique jusqu'au début du 20ème siècle.
Pour autant l'idée qu'il existe un espace absolu n'a pas été la thèse la plus consensuelle de la mécanique classique. En fait on peut dire qu'avec l'idée de force à distance que sous-tend la loi de gravitation (que Newton lui-même rechignait à accepter), c'en est l'aspect le plus controversée. Ainsi la thèse d'un espace-temps absolu a été disputée dès le 17ème siècle par Leibniz, et également de manière notable, par Mach au 19ème siècle.
Dans la terminologie moderne, on parle de substantialisme : à savoir l'idée que l'espace est une substance, dans le sens où c'est une entité qui pourrait subsister indépendamment de ce qui s'y trouve (les objets matériels). Les substantialistes s'opposent aux relationnalistes, qui pensent que l'espace n'est rien de plus que la façon dont les choses physiques sont arrangées, leurs relations, si bien que s'il n'y avait plus de matière dans l'univers, il n'y aurait pas lieu de parler d'espace non plus.
Si le débat entre ces deux positions a toujours existé depuis le 17ème siècle, ce n'est qu'au 20ème siècle qu'on a trouvé dans la théorie de la relativité une alternative crédible à la mécanique de Newton, au sein de laquelle il est possible de formuler de forts arguments à l'encontre de l'idée d'espace temps absolu. Voyons un peu ce qu'il en est.
La mécanique classique
Commençons par remonter un peu dans le temps. Avant Newton, on retrouve chez Descartes une notion d'espace et de vitesse relative. Le raisonnement de Descartes est purement métaphysique. Pour lui, ce qui constitue l'essence de la matière, c'est l'étendu, le fait d'avoir une forme et une taille (les autres attributs de la matière ne lui sont pas essentiels). Mais l'étendue constitue également la nature fondamentale de l'espace. Descartes en conclut qu'espace et matière ne sont qu'une seule et même chose, si bien que quand un objet se déplace, ce ne peut pas être par rapport à l'espace (puisque l'espace de l'objet se déplace avec lui) mais uniquement par rapport aux objets directement voisins. Il existe donc pour Descartes un mouvement "vrai", bien réel, mais qui est une caractéristique relationnelle et non pas absolue, et l'espace n'est en rien une substance distincte de la matière.
La façon dont Descartes envisage le mouvement a été critiqué par Newton. Newton observe que la surface d'un liquide situé dans un seau tournant sur lui-même assez rapidement n'est pas plane, bien que le liquide ne soit pas en mouvement par rapport aux parois du seau : le liquide tend à se creuser au centre et à remonter sur les bords. Pourtant quand le seau commence tout juste de tourner, avant qu'il n'ait transmis sa vitesse de rotation au liquide, la surface du liquide est encore plane alors que les parois du seau sont en mouvement par rapport au liquide (le liquide tend à conserver sa position initiale). Newton en conclut que cette idée de mouvement relatif à la matière immédiatement voisine n'est en rien pertinente d'un point de vue mécanique, puisque la déformation de la surface d'un liquide n'est pas en lien avec son mouvement relativement à la paroi du seau, qui entoure pourtant directement le liquide : cette déformation ne s'explique (pour Newton) que parce que le liquide est en mouvement de rotation absolu par rapport à l'espace.
Nous avons là un premier argument, empirique, en faveur de l'existence d'un espace absolu. Mais le seau n'est qu'un exemple. Newton a développé une mécanique qui permet d'expliquer un très grand nombre de phénomènes, du mouvement des planètes autour du soleil à la chute des corps sur terre, en passant par les collisions d'objets. Cette mécanique postule l'existence d'un cadre absolu aux phénomènes, l'espace, au sein duquel se déplacent des corpuscules ponctuels pesants et impénétrables, suivant certaines lois :
- tout corps persévère dans son mouvement uniforme sauf sous l'action d'une force (c'est le principe d'inertie),
- le changement de mouvement est proportionnel à la force et dans la même direction,
- toute action suscite une réaction opposée.
En fin de compte on peut penser que c'est l'énorme succès empirique de cette mécanique qui est (à l'époque) le principal argument en faveur de l'existence d'un espace absolu. Si l'on est réaliste (à l'époque), on pense que la mécanique de Newton nous fournit la meilleure explication aux phénomènes mécaniques, et puisque cette explication requiert un espace absolu, et bien on est amené à croire que ce dernier existe bel et bien.
Bien sûr cette idée d'espace absolu n'est pas sans poser quelques scrupules métaphysiques. Quelle est donc cette "pseudo-substance", physique mais non matériel (parce que dénuée de pouvoir causal), ce "non-être" pourtant "requis pour l'être" comme l'exprime le philosophe antique Démocrite ? Newton y voit une propriété de Dieu, qu'on pourrait assimiler à un organe sensoriel... Ca reste un peu mystérieux.
Les critiques de Leibniz et de Mach
Le succès de la mécanique de Newton semble donc jouer en faveur de l'idée d'un espace absolu. Mais à y regarder de près les choses ne sont pas si simple. D'abord nous ne mesurons jamais des positions ou des vitesses absolues, mais toujours des distances entre plusieurs objets pris comme référentiel, ou des vitesses relatives. Donc l'espace absolu n'est pas directement observable. Ensuite on peut montrer qu'il n'est pas même indirectement observable. En effet un des aspects important de la théorie de Newton est l'invariance des lois par changement de référentiel galiléen (en physique, un référentiel est un système de coordonnées permettant de situer les objets dans l'espace).
Qu'est-ce que ça signifie ? Simplement ceci : les lois de la physique fonctionnent exactement de la même manière que l'on soit fixe par rapport à l'espace absolu, ou que l'on soit en mouvement constant par rapport à lui. Vous pouvez de vous même faire ce constat dans un train en marche, tant que celui-ci ne subit aucune accélération : si vous jeter une balle vers le haut, elle va se comporter exactement comme si vous étiez au sol, c'est à dire qu'elle va retomber droit vers votre main. Elle ne va pas partir vers l'arrière du train, même si celui-ci est à pleine vitesse.
Mais alors si tous les référentiels galiléens sont équivalents, si les lois sont les mêmes, comment savoir quel est exactement le "vrai" référentiel absolu ? Celui du système solaire ? De la galaxie ? Au fond il se pourrait bien que l'ensemble de l'univers soit propulsé à une certaine vitesse constante par rapport à l'espace absolu : nous n'en saurions rien. Ceci est suffisant, selon Leibniz, pour faire de l'hypothèse d'un espace absolu une hypothèse superflue.
Pour Leibniz, dans la mesure où plusieurs arrangements de l'univers sont indiscernables, qu'ils sont équivalent, il faut considérer que ces arrangements décrivent en réalité des situations identiques (c'est ce qu'on appelle le principe d'équivalence de Leibniz). Le principe d'inertie rend donc l'hypothèse d'un espace absolu superflue : puisque tous les référentiels galiléens sont équivalents, l'idée qu'il existerait un "vrai" référentiel correspondant à l'espace absolu est superflue. Et la conclusion logique de tout ça c'est que l'espace n'est rien de plus qu'un réseau de relations qui permet de situer les objets les uns par rapport aux autres.
Newton rejette pourtant cette conclusion, notamment parce qu'il existe toujours, dans sa mécanique, une notion d'accélération absolue, indépendante de tout référentiel (et qui permet notamment de sélectionner les référentiels galiléens comme des référentiels privilégiés : ceux qui ne subissent aucune accélération). L'accélération est proportionnelle à la force que subit une particule, et il ne s'agit pas d'une notion dépendant du référentiel : on peut savoir, de manière absolue, si une particule subit ou non une force. Mais s'il y a accélération absolue, n'est-ce pas par rapport à quelque chose--je ne sais pas, moi... un espace absolu ?
Les critiques de Mach
Le débat ne semble pas vraiment résolu à ce stade, mais au 19ème siècle, Mach portera de nouveau des critiques à la conception de l'espace de Newton.
Mach reprend notamment l'argument du seau en rotation sur lui-même. Certes, l'argument montre que le mouvement par rapport aux parties matérielles voisines n'est pas pertinent d'un point de vue mécanique, contrairement à ce que pensait Descartes. Ca ne signifie pas pour autant que c'est un mouvement de rotation absolu qui est pertinent. Est-ce que ce ne serait pas par exemple le mouvement de l'eau par rapport aux étoiles lointaines, ou à l'ensemble de la matière dans l'univers, qu'il faudrait prendre en compte ?
Mach propose notamment d'envisager, dans une expérience de pensée, que les parois du seaux soient rendues extrêmement épaisses (plusieurs kilomètres par exemple). Peut-être qu'alors le mouvement des parois par rapport au liquide induirait une déformation de la surface du liquide. Il faudrait dans ce cas imputer les effets mécaniques non pas à un mouvement par rapport à l'espace absolu, mais plutôt par rapport à l'environnement de l'objet considéré. Dans ce cas il n'y aurait plus lieu de penser que l'espace soit autre chose que le réseau de relation des objets de l'univers.
Les tentatives de reformulation de la mécanique classique sans espace absolu, inspirées par les arguments de Mach, sont des échecs. Néanmoins on peut dire que Mach a en partie anticipé la théorie de la relativité, qui a supplanté la mécanique classique, et qui permet d'implémenter avec un certain succès les principes de Mach (et même prédire un phénomène d'induction gravitationnelle dans le cas d'un seau dont la paroi serait très épaisse).
La théorie de la relativité
Voyons enfin, pour finir cette longue rétrospective historique, comment est née la théorie de la relativité. Il s'agissait d'abord de concilier la mécanique de Newton (qui respecte le principe de relativité galiléen dont nous avons parlé) et les lois de l'électromagnétique, alors nouvellement formulées par Maxwell.
En électromagnétique, contrairement à la gravitation newtonnienne, la transmission des forces d'attraction ou de répulsion entre particules n'a pas lieu de manière instantanées à distance. Les physiciens modélisent un "champs de force" responsable de ces transmission, le champ électromagnétique, au sein duquel les influences électromagnétiques entre particules se transmettent comme des ondes. Un des aspects important est que ces influences se transmettent à une vitesse toujours identique, indépendamment de la vitesse de la source : la fameuse vitesse de la lumière.
Nous avons donc pour la première fois des lois qui semblent impliquer l'existence d'une vitesse absolue, indépendante du référentiel. Voilà donc qui pourrait nous aider à mettre le doigt sur cet espace absolu, ou sur l'éther, une mystérieuse substance postulée par les théoriciens, qui serait le support des ondes électromagnétiques. Malheureusement toutes les expériences essayant de mettre en évidence cet "ether" et notre vitesse (absolue) par rapport à lui ont échoué.
Pour dire les choses rapidement, la théorie de la relativité restreinte part simplement de l'idée de concilier deux principes en apparence contradictoire : la relativité galiléenne, c'est à dire le principe suivant lequel les lois physiques sont les mêmes dans tout référentiel inertiel, et la constance de la vitesse de la lumière impliquée dans les lois électromagnétiques. Il en ressort des conséquences vraiment contre-intuitives, comme le fait que la mesure des durées, des longueurs, ou les rapports de simultanéité entre événements ne sont pas absolues mais dépendent du référentiel qu'on adopte. Pourtant cette théorie contre-intuitive sera amplement vérifiée.
L'étape suivant est d'intégrer la gravitation. L'idée d'action instantanée à distance de la gravitation classique ne fait plus sens en l'absence d'une simultanéité absolue : "instantané" n'a plus de signification absolue. Plutôt que d'intégrer tant bien que mal la force de gravitation dans un espace temps tel que décrit par la relativité restreinte, Einstein proposera rien moins qu'une nouvelle théorie pour supplanter la relativité restreinte qu'il venait de créer : la théorie de la relativité générale... Selon cette théorie, il n'existe de système de coordonnées spatiales et temporelles que localement. Les rapports entre ces coordonnées locales (et donc la géométrie globale de l'espace-temps) dépendent de la matière qui s'y trouve. Disons pour simplifier que les corps massifs "déforment" la géométrie de l'espace-temps.
La relativité générale assimile en quelque sorte l'espace-temps lui-même à un champ au sein duquel se transmettent les influences gravitationnelles si bien qu'il n'est même plus besoin de postuler l'existence de forces de gravitation. Les particules ne font que suivre les "lignes droites" de cette géométrie courbe comme une rivière suit les vallées d'un paysage montagneux. Mais alors on peut dire qu'il n'y a plus réellement de notion d'accélération absolue associée à la force subie par une particule, comme c'était le cas en mécanique classique : il n'y a plus qu'une géométrie.
L'argument du trou
Voilà donc où on en est : le principal argument de Newton en faveur de l'existence d'un espace absolu, fondé sur l'accélération, ne semble plus valide. De plus les différentes mesures, de distances ou de durées, dépendent d'un référentiel choisi arbitrairement. Enfin, si tant est que l'espace existe, il ne s'agit en aucun cas d'une entité indépendante de la matière, d'un cadre figé, puisque sa géométrie dépend de la matière qui s'y trouve. L'espace temps est responsable de transmission d'influences causales, il est porteur d'énergie, et donc il faudrait plutôt l'assimiler à une entité physique. N'en serait-ce pas fini de l'espace absolu ?
Les substantialistes peuvent essayer de maintenir qu'il existe un espace topologique existant indépendamment de la matière, et indépendamment de la "métrique" (des relations de distance et de durées, qui dépendent du contenu matériel). L'espace serait simplement un ensemble de points, sur lesquels sont positionné des objets ou des champs physiques. Mais il existe un argument dévastateur à l'encontre de cette forme de substantialisme, appelé "l'argument du trou", et qui transpose en relativité l'argument de Leibniz contre l'espace absolu de Newton. L'idée est la suivante : si l'on postule qu'il existe des points de l'espace-temps existant absolument, c'est à dire indépendamment des propriétés matérielles de l'univers qui y sont instanciées, alors il est possible de formuler des univers strictement indiscernables, mais pourtant différents d'un point de vue physique. Nous avons donc des arrangements différents de la matière dans l'espace-temps qui sont pourtant équivalents. Ces "points de l'espace-temps" ne sont pas vraiment observables. Ceci est du au fait qu'il existe une part d'arbitraire dans le choix des coordonnées. Le principe d'équivalence de Leibniz devrait nous amener à penser que ces points d'espace temps sont simplement superflus.
Mais surtout, on peut imaginer des univers identiques en presque tous les points, qui diffèrent uniquement dans une zone particulière de l'espace-temps et pendant une durée finie, c'est à dire qui diffèrent à l'intérieur d'un "trou". Ces univers sont encore une fois indiscernables sur le plan empirique et obéissent aux mêmes lois physiques. Pourtant ils sont différents à l'intérieur de ce "trou".
Autrement dit, postuler l'existence d'un espace substantiel en relativité générale revient à postuler l'existence d'une entité inobservable, parce que des différences à son égard sont indiscernables, et soumise à des lois indéterministes, parce que des arrangements strictement identiques (jusqu'au trou) peuvent évoluer différemment (dans le trou) tout en obéissant exactement aux mêmes lois physiques. Tout ça est un peu dur à avaler. C'est d'ailleurs un des problèmes qui tracassait Einstein lors de l'élaboration de sa théorie, et qu'il a finit par résoudre en adoptant le principe d'équivalence de Leibniz : de telles descriptions distinctes doivent en fait correspondre à la même situation physique.
Le substantialisme ainsi conçu est donc une hypothèse superflue, et pour les relationnalistes, autant assimiler l'espace-temps à la structure des relations entre les entités matérielles de l'univers plutôt qu'à une entité réellement indépendante.
Les arguments substantialistes
Pour autant les substantialistes n'ont pas dit leur dernier mot. Il est en effet possible de répondre à l'argument du trou en adoptant une version plus faible du substantialisme, suivant lequel les points de l'espace-temps existent bien en tant qu'entités, mais sont identifiés uniquement par leurs relations géométriques respectives, notamment les distances spatio-temporelles entre eux.
Ce qui est peu satisfaisant dans cette solution, c'est que la "métrique" a, en relativité, une efficacité causale, qu'elle transporte de l'énergie, et qu'il semble plus naturel de l'assimiler à un contenu physique, matériel, qu'à un espace, tout comme on assimile généralement le champ électromagnétique à un contenu physique. Cependant il existe aussi des arguments à l'encontre du relationnalisme.
Par exemple on peut observer que nous avons toujours besoin de postuler des points de l'espace-temps existant indépendamment des relations entre les entités matérielles, ne serait-ce que pour "porter" le champs électro-magnétique ou les autres champs physiques. En fait tout dépend de la manière dont on envisage ces champs, mais certains philosophes (comme Field) pensent qu'on doit lui attribuer une existence, et qu'à se titre, il est indispensable de postuler l'existence d'un espace temps qui puisse le supporter. Une autre manière d'exprimer ceci, c'est d'observer qu'il doit être possible en principe, suivant les modèles que proposent la relativité générale, que certaines zones de l'espace-temps soient vides de toute matière. Or ces zones existent bel et bien, donc l'espace-temps existerait également même s'il était vide.
Cependant il est possible de défendre le relationalisme malgré tout en faisant des champs physiques des potentiels plutôt que de véritables entités, et en concevant l'espace-temps comme une structure de relation entre événements actuels et possibles plutôt que simplement entre les événements ou objets actuels -- ce qui peut s'accorder avec certaines interprétations de la mécanique quantique.
Enfin il existe un autre argument en faveur du substantialisme suivant lequel on peut formuler, en relativité générale, un modèle dans lequel un unique objet est en rotation sur lui-même dans l'espace temps. Cet objet est soumis à des effets mécaniques qui ne dépendent pas de relations à d'autres objets matériels (autrement dit la relativité générale n'éliminerait pas entièrement la notion d'accélération absolue). Ceci dit certains avancent que la plupart des modèles cosmologiques ne correspondent pas à ce cas : au contraire on peut généralement attribuer l'ensemble des effets inertiels au contenu matériel du reste de l'univers. Ce qu'on appel le "principe de Mach" est respecté : la géométrie de l'espace-temps est entièrement déterminée par son contenu matériel. On peut alors se demander quelle est la valeur d'un modèle purement hypothétique violant ce principe, ou en quelle mesure nos futurs théories sont susceptible de remettre en question cet argument... Bref, le débat n'est pas encore résolu.
Conclusion
Nous reviendrons peut-être un jour sur ces débats, notamment en rapport à la philosophie du temps. Si l'on conçoit que le temps lui même est purement relationnel, il est possible qu'on soit alors amené, de nouveau, à abandonner certaines intuitions communes, comme l'idée qu'il existe un présent absolu et un véritable passage du temps (ce qui peut sembler plus difficile à avaler que dans le cas de l'espace).
En tout cas l'aspect qui me semble intéressant dans ces débats c'est la façon dont ils illustrent les rapports troubles qu'entretiennent métaphysique et science fondamentale.
Pour ma part il m'arrive d'avoir des sentiments mitigés vis à vis de la métaphysiques. D'un côté on a l'impression qu'on s'intéresse enfin aux grandes questions, aux aspects fondamentaux de la réalité. D'un autre on en vient parfois à se demander s'il ne s'agit pas de disputes purement verbales qui ne révèlent que nos préjugés (comme le pensent traditionnellement les empiristes).
Ici pourtant on voit que certains principes métaphysiques peuvent guider les réflexions scientifiques et l'élaboration de nouvelles théories physiques. Il est clair que l'idée d'espace-temps relationnel a guidée les réflexions d'Einstein, que ce soit dans l'élaboration de la théorie de la relativité restreinte ou de la relativité générale : Einstein (qui connaissait bien la philosophie) cherche explicitement à éliminer toute référence à des quantités absolues.
A l'inverse les théories scientifiques, quand elles s'avèrent couronnées de succès, viennent informer les débats purement métaphysiques, pesant en faveur de l'une ou l'autre des positions (ce qui semble indiquer que les discussions métaphysiques ne sont pas totalement vaines et dénuées de sens). Aujourd'hui avec l'argument du trou, il est difficile de soutenir une version forte de substantialisme de l'espace-temps.
Pour autant on voit aussi que les théories ne fixent jamais entièrement les débats, et il existe toujours une certaine latitude pour l'interprétation et l'argumentation philosophique, qui, peut-être, pourra influencer l'évolution des futures recherches scientifiques. De quoi penser que la métaphysique a encore de beaux jours devant elle.
A propos de l'Ether, il faudrait mentionner la conférence d'Einstein à l'Univ de Leyde en 1920 : http://quanthomme.free.fr/energieencore/Einstein.htm
RépondreSupprimerL'espace (ou Ether) n'est pas rien et on peut même concevoir qu'il n'y ait rien d'autre, un réseau régulier de ''grains'' qui ont un état changeant, selon le principe des automates cellulaires. La structure du réseau n'est pas difficile à déterminer à partir du moment où l'on admet que l’espace de notre univers est discret, constitué d'unités de forme
sphérique... C'est seulement en construisant manuellement le réseau avec des balles de ping-pong que l'on peut ''voir''.