jeudi 11 juin 2020

La science est-elle objective ? (2) Contexte social et critiques féministes

On peut concevoir l'objectivité des sciences en terme de neutralité vis-à-vis de valeurs "contextuelles". Les intérêts politiques, privés, les valeurs morales ou culturelles, tout ceci ne devrait pas interférer avec son bon fonctionnement. C'est en tout cas ce que pensent les défenseurs de la rationalité scientifique.

Nous avons vu dans le dernier billet les principales motivations pour mettre en doute cette façon de voir les choses. Les théories scientifiques ne sont jamais testées et sélectionnés que dans un cadre, un paradigme. Bien sûr, les observations et les succès expérimentaux entrent en compte au moment de choisir la bonne théorie ou la bonne hypothèse pour expliquer des phénomènes, mais ces éléments ne sont pas suffisants. La question centrale est donc de savoir quels autres critères entrent en jeu. Est-ce que l'évaluation d'une hypothèse est purement rationnelle, suivant des critères objectifs comme la simplicité des explications qu'elle nous offre, ou est-ce qu'elle est affectée par le contexte social ou par des intérêts particuliers ? Et si c'est le cas, est-ce un problème à éviter tant que faire se peut, ou est-ce un aspect inévitable et pas forcément si problématique de la science ?

Nous allons voir dans cette article les différentes manières de répondre à ces questions qui ont été proposées en philosophie des sciences.

mardi 9 juin 2020

La science est-elle objective ? (1) Valeurs et paradigmes

"La science est objective. Les théories scientifiques sont moralement neutres, ni bonnes ni mauvaises : seul ce qu'on en fait est bon ou mauvais. Il faut différencier science et technologie. La science pure, contrairement à la technologie, cherche seulement à donner des faits, à décrire ou comprendre le monde de manière désintéressée, pas à le changer. Refuser d'accepter les résultats scientifiques pour des raisons morales est irrationnel. Refuser de faire des recherches sur un sujet quelconque pour des raisons morales est également irrationnel : on ne perd rien à savoir la vérité."
Vous vous reconnaissez peut-être dans ce type de discours. Ce sont des idées assez répandues, en particulier chez les défenseurs de la rationalité scientifique. En face d'eux certains diront :
"Une théorie scientifique n'est qu'une façon de voir le monde parmi d'autres. Il n'y a pas de distinction tranchée entre science et technologie. La science est politique, idéologique, elle n'est jamais neutre. Les théories scientifiques sont des constructions sociales. Les résultats scientifiques ne correspondent pas à une vérité absolue, mais à une perspective socialement située. Il n'y a pas de faits absolus. Il convient d'évaluer sous un angle moral la recherche scientifique."
"Post-modernes ! Relativistes !" S'écrieront les premiers (quand ils savent rester polis). "Scientistes !" Répondront les seconds. Si vous fréquentez un peu les réseaux sociaux, il ne vous sera pas difficile d'imaginer que cela donne lieu à des débats houleux, parfois initiés par l'actualité politique ou scientifique.

Je vous propose ici de prendre un peu de recul et de réfléchir à ces questions de manière dépassionnée, du moins tant que faire se peut, en évitant de caricaturer l'un ou l'autre des partis.